NFT : Non Fongible Tonken
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NFT et art virtuel

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21 mai 2021

Le numérique au service de l’art

C’est une nouvelle étape que vient de franchir l’art. Ni une transformation radicale, ni une dépossession de ce qu’il est. Simplement une évolution, comme il en a connu des dizaines depuis l’origine du monde. Le numérique s’invite désormais dans le domaine culturel. Enfin, il s’invite un peu plus. Car les nouvelles technologies ont fait leur entrée dans le milieu artistique il y a quelques décennies maintenant. Musique électronique, films en réalité augmentée, art numérique – dont on parle depuis les années 1960. Et désormais, les NFT, pour non-fungible token, ou jetons non fongibles.

Il s’agit moins ici de création que de marché. En effet, les NFT ne servent pas à la modélisation d’une œuvre, mais à sa certification, à l’authentifier avec certitude. Différent d’une cryptomonnaie, mais associé à cela, les NFT font parler d’eux depuis le début de l’année 2021, avec la vente en mars du premier tweet de l’histoire pour 2,9 millions de dollars, grâce aux NFT. Une pratique qui ne semble qu’à ses balbutiements.

NFT : Non Fongible Tonken

NFT : Qu’est-ce que c’est ?

Les NFT sont des jetons virtuels. Mais qui peuvent servir à acquérir des œuvres, ou des produits, bien réels. Ils découlent logiquement du fonctionnement induit par les cryptomonnaies. Pour faire très simple, les cryptomonnaies sont des monnaies virtuelles, qui n’ont légalement cours nulle part sur Terre, qui ne nécessitent aucun support physique (ni pièces ou billets, ni cartes bancaires), qui ne sont régulées par aucune instance globale – comme une banque centrale – et qui privilégient le paiement de pair à pair. Si le principe semble étonnant, il permet, par le moyen d’une blockchain rendre toutes les opérations transparentes et sécurisées. Pour qu’une opération soit effectuée – une transaction par exemple – il est nécessaire d’avoir la validation de tous les membres. En un mot, tout le monde est responsable et supervise le bon fonctionnement de la monnaie.

Il existe à ce jour différentes cryptomonnaies, dont la plus connues est le bitcoin. Ce dernier subit depuis quelques jours une forte dépréciation de sa valeur (perte d’un tiers en une semaine), entraînant avec lui les autres monnaies virtuelles, comme l’ethereum ou le dogecoin.

Cryptomonnaies

Les NFT ne sont pas des cryptomonnaies, mais se basent sur le système de la blockchain. Et les achats d’œuvres passent généralement par une cryptodevise. Un NFT est simplement un contrat numérique, qui certifie à l’acquéreur l’authenticité du produit acheté. Il est alors ajouté à la blockchain, et donc validé par tous les utilisateurs, simplifiant la traçabilité d’une œuvre et diminuant le flou autour des propriétés.

Rien de très complexe en soi. Le NFT remplace un contrat papier qui se perd plus facilement, qui peut être détourné, que l’on peut falsifier. Avec cette nouvelle technologie, l’acquéreur est assuré d’avoir avec lui toutes les garanties possibles.

L’essor des NFT

Les NFT sont relativement récents, avec des applications dans le domaine du jeu vidéo à partir de 2016, et une incursion dans le domaine de l’art dès 2017. C’est avec les jeux de cartes à collectionner que l’aventure semble avoir débutée, pour assurer de la rareté et de la valeur de certaines pièces.

Début 2021, c’est dans un tout autre domaine que les NFT ont fait parler d’eux. Celui des réseaux sociaux. Le 21 mars 2006, Jack Dorsey, co-fondateur et PDG de la plateforme Twitter, devenait le premier utilisateur du réseau à émettre un post. Le premier tweet de l’histoire était le suivant : « just setting up my twttr ». « Je crée mon compte Twtrr » est donc le premier post sur la plateforme. Cinq mots qui semblent valoir, à l’heure actuelle, 2,9 millions de dollars. C’est en tout cas la somme déboursée par Sina Estavi, entrepreneur de son état, parti en quête de tweets iconiques.

Mis aux enchères sur la plateforme Valuables, le tweet de Jack Dorsey est désormais en possession de Sina Estavi. Pourtant, si vous remontez le profil de Jack Dorsey, vous verrez que son tweet est toujours là. Et rien ne l’empêche demain de le supprimer. Qu’a donc réellement acheté l’entrepreneur ?

Un titre de propriété. Certifié car aux NFT. Il est donc l’unique détenteur du message, et peut choisir d’en faire ce qu’il veut. Quand bien même le message reste sur le profil de son émetteur, et que la capture d’écran tourne sur tous les articles traitant du sujet, et même, sur le Club Arthur Dent. A première vue, on pourrait se dire qu’il n’est là question uniquement d’argent, de visibilité et de buzz.

Premier tweet de Jack Dorsey

Un nouveau tournant pour l’art ?

Pourtant, le fonctionnement des NFT n’est pas si différent de ce qu’il se passe actuellement dans le monde de l’art. Songez aux personnes possédant des tableaux de maîtres chez elles. Elles sont propriétaires d’une œuvre. La propriété peut être discutée, l’authenticité du tableau également. Les exemples ne manquent pas dans l’histoire de l’art de faussaires ayant excellés et bernés les meilleurs experts, leurs faux étant toutefois achetés et exposés dans de prestigieux musées. Autre inconvénient, posséder un original n’empêche pas la circulation de copies, à commencer par les institutions culturelles, qui ne peuvent toutes exposer l’original. Vous-même, avec une photographie de bonne qualité imprimée sur une toile, vous pouvez vous retrouver avec une œuvre dans votre salon. Le rendu ne sera peut-être pas tout à fait le même, certes. Mais l’idée est là.

La même chose s’opère avec les NFT. Le 11 mars dernier, l’artiste américain Beeple vendait pour 69,3 millions de dollars son collage numérique, Everydays : The first 5 000 Days. Là encore, on peut retrouver l’image partout sur Internet, chacun peut la partager, mais l’unique propriétaire de l’œuvre originale est Vignesh Sundaresan.

La nouveauté avec les NFT, c’est qu’elles permettent d’authentifier à la fois des œuvres physiques et des œuvres numériques, renforçant ainsi l’art crypto. Une image au format JPEG, un fichier sonore MP3, ou une quelconque vidéo, tout peut être certifié par des jetons non fongibles, et surtout, tout peut être acheté et/ou revendu par ce moyen. Les virements sont généralement convertis en cryptomonnaie, pour faciliter l’intégration à la blockchain. Il est ainsi plus facile de remonter à la source d’une transaction, puisque la blockchain garde une trace de toutes les modifications opérées, qui ont été, rappelons-le, validées par tous les membres de la chaîne.

Collage de Beeple

Les NFT au secours de l’art

En un sens, il n’y a rien de réellement nouveau avec les NFT. Ils sont simplement un nouveau support de transaction, a priori plus sécurisé et davantage transparent. Mais le concept de propriété ne s’en retrouve pas fondamentalement réformé. Les jetons non fongibles donnent simplement plus d’importance à l’art crypto. D’une certaine manière, ils l’institutionnalisent.

Les NFT peuvent toutefois révolutionner l’art du point de vue des collectionneurs. Et cela à l’avantage des musées. Ce mardi 18 mai, la Galerie des Offices a vendu pour 140 000€ un exemplaire numérique du tableau Michel-Ange Tondo Doni. Le tableau reste donc exposé à Florence, sans même changer de place dans le musée. Mais son acheteuse pourra profiter chez elle de l’œuvre, au moyen d’un dispositif spécialement créé pour l’occasion, le DAW (Digital ArtWork). Il sera projeté sur un écran conçu sur mesure.

Neuf copies numériques sont prévues pour ce tableau, et seront donc vendues sous forme de NFT. Le musée envisage ainsi de proposer à la vente 17 chefs-d’œuvre, dont La Naissance de Vénus de Botticelli et un Bacchus du Caravage. Selon les mots du directeur, Eike Schmidt : « Cela ne change pas la donne, mais c’est un revenu supplémentaire. ». En effet, la revente de tableaux peut permettre aux structures culturelles de percevoir une manne financière bienvenue après plus d’un an d’une épidémie qui les a affaiblies. Et, avantage non négligeable, ce système permet de vendre des copies, sans se départir de l’œuvre originale.

Tondo Doni

Enfin, comme le confie l’acquéreuse anonyme du Tondo Doni : « Ce qui compte, c’est ce que je vois dans l’œuvre, quel que soit le support. ». Franco Losi, à l’origine des DAW, ajoute même que ce système ouvre la voie à une meilleure conservation des œuvres fragiles ou à des déplacements facilités.

Vers le tout numérique ?

Des œuvres virtuelles, des reproductions projetées sur écran, des certificats d’authenticité numériques : la technologie semble prendre une place toujours plus importante dans l’art. Mais est-ce si différent de ce que l’on a pu observer par le passé ? Et, surtout, est-ce un mal ?

On pourrait arguer que de tels dispositifs – les NFT, les DAW – sont au service de la démocratisation de l’art, tout en protégeant et les œuvres les plus fragiles, et les acquéreurs. Reste bien sûr en suspens la question de l’aura de l’œuvre, qui pourrait être diminuée par une reproduction accrue. Une question que Walter Benjamin traitait déjà, et qui n’a pas empêché les copies de s’accumuler, et les photographies de s’amplifier … Au final, si notre rapport à l’art a évolué, le numérique n’en est peut-être pas la source primaire.

Essai de Walter Benjamin

Autre phénomène qui a conquis le monde, les mèmes sont le sujet de notre dernier article.

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