X de OS'O
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X – la pièce de théâtre de science-fiction au TnBA

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18 juin 2021

Le temps, la Terre et l’humain au cœur d’un vaisseau spatial

Le Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine présentait sa nouvelle création, X, des 8 au 12 juin 2021. Une pièce au titre énigmatique, qui tient la promesse d’un voyage dans l’espace-temps, et dans la psyché humaine, trop humaine.

La Terre ne répond plus. Sur Pluton, l’équipe de chercheurs sur place se retrouve seule. Seuls face à la nuit perpétuelle de cette planète-qui-n’en-est-plus-une. Seuls face à leur propre humanité.

X - Solitude

OS’O Collectif

De l’avenir de notre planète à celle de l’humanité

Largement inspiré de la culture populaire et des questions environnementales actuelles, Alistair McDowall, le scénariste et dramaturge britannique, nous embarque avec X dans une aventure aux confins de l’humanité. Entre le thriller psychologique, l’aventure de science-fiction et le huis clos humain, la pièce brasse un grand nombre de thématiques, que ce soit dans le rapport aux autres, à soi, à sa propre humanité, à la mémoire ou simplement le rapport de fascination existant avec son passé personnel ou historique.

C’est à la compagnie O’SO que l’on doit la pièce. Sur scène, Roxane Brumachon, Bess Davies, Mathieu Ehrhard, Baptiste Girard et Tom Linton incarnent les personnages de ce huis clos où chaque détail compte. La mise en scène est millimétrée, laissant au spectateur le loisir de remarquer ces petits indices cachés dans le décor, ces éléments qui, le moment venu, cristalliseront les révélations. Les acteurs offrent une prestation puissante et grandiose. On se sent proche de chacun d’eux, d’une façon ou d’une autre : l’insouciant, le nostalgique, le taiseux observateur… ils sont cinq sur scène à faire vivre ce texte absolument magnifique et bourré de subtilité.

X de OS'O

OS’O Collectif

La construction narrative est parfaitement maîtrisée : on se prend au jeu, on scrute les détails et on frissonne. Car la pièce reste aussi un thriller psychologique. En cela, la mise en scène propose des moments de tension palpable, réellement prenants, n’hésitant pas à faire sursauter le public, à l’embarquer avec les protagonistes dans cette station perdue aux confins de notre galaxie.

Si loin et si proche

Explorant différentes thématiques, évoquant notamment la mort de la Terre, celle des derniers arbres et des oiseaux, mettant en garde, délicatement, contre les dérives de l’humanité sur la planète bleue, X est une pièce forte et captivante. Elle parvient à s’ouvrir à l’extérieur par ses évocations, mais surtout à tenter de cerner l’intérieur, à capturer l’essence de ce petit groupe d’humains coincés dans une station spatiale et dont l’espoir de rentrer s’amenuise.

Ainsi, l’un des personnages nous raconte la fin du dernier arbre, comment son oncle l’a porté et qu’il a pu en toucher le tronc avant son départ. D’autres évoquent les raisons de leur voyage, de leur choix d’une affectation si loin de la Terre. Un autre encore, nous évoque les oiseaux, leur chant et leur chute, lorsqu’ils sont tous morts, suivant le chemin tracé par la mort des derniers arbres.

X nous dépeint une situation terrestre catastrophique, une terre aride et où la survie devient un véritable enjeu… et pourtant, nous n’y sommes pas. Nous sommes sur Pluton, un autre astre aride et désolé. Le côté thriller psychologique arrive rapidement : de l’enfermement née la folie, les dérives, l’ennui et… des visions ? Quelle est donc cette petite fille que Ray voit au dehors ? Sa crainte qu’elle entre justifie-t-elle ce qu’il advient de lui ? Les révélations se bousculent, les dialogues fusent et mettent le doigt sur les évidences qui ont échappé aux spectateurs.

Et si tout ceci…

Combien y a-t-il vraiment de membres d’équipage ? Pourquoi les horloges de la station, basées sur le temps universel terrestre, font-elles n’importe quoi ? Quand le temps devient une inconstance au lieu d’une constante, comment vivre et ne pas sombrer ? Car « X », ce X qui forme le titre, c’est l’inconnu. L’inconnu d’un algorithme qui se tisse au fil des scènes, au fil des réflexions de chacun. Et si, « X », c’était le temps ? Alors comment savoir dans quel ordre le spectateur a vu et compris ce que la mise en scène offre ?

X

OS’O Collectif

Il faudra avoir le cœur bien accroché pour suivre cette histoire. Car la tension monte petit à petit, au détour d’une phrase, d’une évocation, d’un murmure entendu dans les conduits, d’une course perçue dans un espace qui n’est pas assez large pour s’adonner à ce genre d’activité. Et puis, l’apothéose, en milieu de pièce. Les lumières qui baissent, le son qui augmente, presque aux lisières du supportable, les flashs et l’apparition tant redoutée. A partir de là, le public est tendu, et les révélations s’enchainent. Les protagonistes se perdent dans les évocations, les souvenirs, la mémoire immédiate et à long terme s’enlisant dans des méandres trop sombres.

Temps et mémoire

Sur scène, l’espace de vie du vaisseau, avec son espace de stockage de nourriture, une table avec des tabourets, un hublot vers l’obscurité de Pluton. Dans le fond, une échelle vers les espaces supérieurs et un mur de plexiglas laissant entrevoir un laboratoire de recherche au-delà. La plupart des choses y sont évoquées, transmises par de la musique, des loupiotes de couleurs, des grésillements. La mise en scène reprend les visuels éculés des intérieurs des vaisseaux et stations spatiales : un visuel qui parlera à chacun et qui permet une universalité d’autant plus forte du propos. Car il est fort à penser que malgré le contexte science-fictif et les thématiques, il ne s’agit que d’un contexte propice à une réflexion mêlant temps et mémoire.

Ce sont là des thématiques propres à la science-fiction, que l’écoulement du temps et ses perceptions multiples (la pièce rappelle d’ailleurs, par instant, l’excellent film Premier Contact pour sa conception du temps comme non linéaire). A moins que ce ne soit une vision née d’une mémoire malade et qui va déclinant ? Ce sera au spectateur d’en comprendre ce qu’il souhaite, d’en saisir la subtilité et le désordre. Si l’on devait résumer la pièce, on pourrait se dire « des souvenirs en pagaille », d’une certaine façon.

Premier contact

X est une pièce à voir, que vous soyez amateur de science-fiction ou non. Car au-delà du contexte extra-terrestre, c’est bel et bien un huis clos sur l’humain, comment il dérive et se perd, enfermé avec les mêmes compagnons sur un temps infiniment long.

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