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Little Nightmares : Les cauchemars d’Artaud vous tiennent bien éveillé

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2 juillet 2021

Les Cauchemars d’Artaud, la performance qui allie jeu vidéo, musique et littérature

Little Nightmares est un jeu de plate-forme et de réflexion développé par Tarsier Studios et édité par Bandai Namco. Ce petit jeu qui parait bien mignon à première vue cache un aspect plus sombre dans sa narration et dans le développement de son intrigue.

Antonin Artaud, homme de lettres aux multiples casquettes, a quant à lui écrit de nombreux textes sombres, et encore souvent imperméables, et théorisa « le théâtre de la cruauté ».

Le mélange de ces deux chefs-d’œuvre artistiques et culturels crée Les Cauchemars d’Artaud. Le spectacle, unique en son genre, a été présenté ce mercredi 23 juin au Krakatoa, à Mérignac. Cet article contient du spoil sur le spectacle et le jeu.

Krakatoa

Une histoire, des cauchemars

Les Cauchemars d’Artaud est donc un jeu vidéo-concert, c’est-à-dire que nous retrouvons Akeno – un joueur professionnel qui mène en entier une partie de Little Nightmares, projeté à l’écran sur scène – accompagné par Pakun Jaran et Cindy Bluray, aux manettes de l’univers sonore du jeu. Little Nightmares n’étant pas un jeu avec une bande sonore extrêmement vaste, les deux musiciens vont pouvoir amener leur musique pour participer à la création d’une atmosphère et à l’expérience réflexive du spectateur. Pakun Jaran s’occupe du sound design avec la musique électronique, et Cindy Bluray de la musique via son clavier, tout en prêtant sa voix aux textes d’Artaud, déclinés tout au long de l’aventure, venant illustrer ou s’interroger sur ce qui est porté à l’écran. Une manière de guider l’interprétation tout en l’élargissant un peu plus.

Je préviens que je ne cite que les personnes que l’on peut voir sur scène, mais qu’il y a toute une équipe derrière ce spectacle qui a produit un sacré travail. Cette prestation a été accueillie par la salle Le Krakatoa de Mérignac, et a été précédée de deux jours de résidence. Vous pourrez retrouver la fiche technique ainsi qu’une autre brève présentation de ce travail sur le site. Au passage, je précise que je ne conseille ni le jeu, ni le spectacle, ni les textes de Antonin Artaud aux enfants. Maintenant, passons aux détails du spectacle et à ce que l’on peut ressentir et imaginer lors de son visionnage.

Présentation Little Nightmares

Krakatoa

Un bon spectacle ou un cauchemar éveillé ?

La réponse à cette question est finalement : les deux. Le spectacle commence dans une ambiance pesante : les textes d’Artaud sont lourds (de sens), font écho à une ambiance vidéo-ludique très dérangeante et oppressante pour Little Nightmares. Cette ambiance réussit à laisser au public un questionnement : pourquoi est-il là ? Mais le jeu avançant et le personnage principal, Six prenant un caractère par le style de jeu d’Akeno (on y reviendra quand on parlera du fond) mais aussi l’ambiance sonore de Cindy Bluray et Pakun Jaran s’installant de plus en plus, le spectateur reste bouche-bée devant le spectacle. De l’électronique sur un jeu pareil, y penser est incroyable mais le rendu l’est encore plus avec la voix rauque de Cindy Bluray, et les textes qui prennent de plus en plus de sens à mesure que le jeu avance : le rendu est subjuguant.

Une fois le spectacle fini, un questionnement sur le sens du spectacle mais aussi du jeu en lui-même est de mise. Car oui, vous parlez du jeu et de son scénario serait vain, seulement une des multiples interprétations possibles. Le fil conducteur pourrait aussi bien être de survivre dans la dureté d’un orphelinat, l’enfance et les cauchemars oniriques qu’elle insinue ou encore le passage à l’âge adulte et la dureté qui lui est relative. Toutes ces interprétations sont possibles et je vous laisse faire la vôtre, soit en regardant le spectacle – car une tournée pourrait voir le jour – ou en jouant directement au jeu. Le spectacle et le choix du jeu ont d’ailleurs été faits par rapport à ces possibilités.

Little Nightmares

Et pour la troupe ?

A la fin du spectacle, un bord de scène a eu lieu, 5 personnes étaient présentes : les deux musiciens, le joueur, la productrice du spectacle et une personne travaillant sur le son. Sur ces 5 personnes, 3 ont une interprétation différente du jeu. A savoir aussi que cette équipe n’en est pas à son premier spectacle du genre puisqu’elle en a déjà monté un similaire et que la possibilité d’un spectacle sur la suite du jeu, Little Nighmares 2, a été évoquée.

Un jeu singulier permettant un mélange des plus exotiques

Un jeu inspiré

Eh oui, Little Nightmares est un jeu bien différent de ce que l’on peut voir. Composé de 5 chapitres, le joueur se retrouve dans la peau de Six, une enfant. Les possibilités sont assez simples : se déplacer, s’accroupir, courir, sauter, tenir un objet et le lancer. Dans ce jeu, le personnage va devoir résoudre des énigmes pour échapper à des « personnes » semblant plus être des monstres qu’autre chose. A la fin de chaque niveau, le personnage a soudainement faim et mangera ce qu’il trouvera allant d’un bout de pain au début au boss de fin. Le personnage aura alors une progression, le faisant perdre son humanité petit à petit. Il s’agit là d’une interprétation minime malgré tout car le jeu étant muet, tout scénario est libre.

Le jeu a de multiples inspirations. La première me venant en tête n’est autre que Miyazaki, plus spécialement Le Voyage de Chihiro. Dans un chapitre, on passe sur la table avec de multiples personnes – enfin du moins similaires à des personnes – qui tentent de nous attraper pour nous manger. Ce moment ressemble presque à une scène du Voyage de Chihiro avec les parents transformés en cochon à cause de leur avidité.

Little Nightmares et Voyage de Chihiro

 

La seconde inspiration, et pas des moindres, est selon moi Tim Burton et Edgar Allan Poe – car, oui, les deux vont de pair. Quand on connait l’univers sombre du réalisateur américain on peut directement sentir le côté fantastique et sombre par les boss. Je ne sais pas pourquoi mais mes souvenirs d’enfances m’ont renvoyé vers le film Numéro 9. A savoir que l’univers de Tim Burton est lui-même inspiré de Edgar Allan Poe, romancier, poète et nouvelliste américain. Bien sûr, on s’émerveille d’effroi autant dans un film de Tim Burton que dans Little Nightmares.

Un scénario inspirant

Des textes d’Antonin Artaud relatif à la chair, au corps, à la réflexion sur le réel et la quête de soi rendent le jeu donc encore plus sombre et dérangeant. Ces textes sont dictés parfois comme une voix guidant Six ou encore comme les pensées de Six : on ne sait pas vraiment. Ils vont parfaitement avec le jeu, on dirait presque que l’un a inspiré l’autre et que l’autre est la continuité, la finalité d’un courant de pensées se dessinant à travers la prose.

Ce n’est pas juste un gamer et des musiciens qui jouent avec leur playlist

Prendre le temps de s’interroger sur l’univers

Car on parle bien d’un spectacle vivant à part entière, d’une performance artistique et d’une interprétation. Car oui, comme tout jeu, il y a une manière de jouer différente. Le spectacle dure environ 1h15, ce qui est loin d’un speedrun de 33 minutes (record à ce jour), mais pourtant la performance que propose Akeno est sans faute (ou presque, puisque l’erreur est humaine et qu’une performance live est différente à l’autre). Le jeu a dû être réalisé des tas de fois (plus de 200 fois selon Akeno) et la musique de même, sachant que la préparation des deux a été faite séparément dans les premiers moments, puis regroupée et adaptée en fonction de ce qui a été choisi.

Interactions

Pourquoi Akeno met-il autant de temps s’il ne fait presque aucune erreur ? Car il interprète le personnage, il lui donne un caractère et une vie. Par de simples mouvements tel que sauter sur le lit ou encore jouer avec certains objets, il va permettre de donner une âme à Six, le personnage principal du jeu qui est une enfant. De plus Akeno prend le temps de montrer chaque énigme, pour que le personnage, mais surtout le spectateur, les comprenne. De son aveu, ce sont environ 80% du jeu qui ont été montrés, quand bien même il n’en fallait pas autant pour finir le jeu.

Faire vivre un nouveau monde

Mais il n’y a pas que le jeu dans ce spectacle. Il y a aussi la musique, composée spécialement pour la performance, qui rend l’expérience unique sur un jeu presque vide musicalement parlant ; ainsi que la voix de Cindy Bluray, qui est un travail d’interprétation des textes d’Artaud incroyable. L’aspect intéressant de tout ça c’est de voir qu’à partir d’un jeu, des textes ont été cherchés, pour créer un nouveau média, une nouvelle interprétation, une nouvelle expérience. Les textes choisis sont des textes déjà existants, et la musique a été créée autour pour assembler ces deux mondes. La musique aide pour l’interprétation de cet univers parfois rugueux qui, je le rappelle, n’est vraiment pas simple et pourrait rappeler Tim Burton et son univers à la fois enfantin et sombre.

Découvrez également la critique du jeu Haven ou l’analyse de la pièce de théâtre X, qui explore l’espace.

Et si nos articles vous plaisent, découvrez notre ouvrage M42 : Magie et Sorcellerie.

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